On entend souvent : « durable = plus cher, moins spectaculaire ». C’est faux… si on conçoit autrement. Sur un festival de plein air, l’empreinte vient surtout de l’énergie, du transport, des structures et des consommables. Bonne nouvelle : la plupart des leviers sont techniques, concrets, et compatibles avec une esthétique ambitieuse.
Je vous propose une méthode simple pour concilier exigence artistique, maîtrise des coûts et responsabilité environnementale. Je définis chaque terme un peu pointu au passage, et je relie chaque choix à son impact réel : euros dépensés, risques réduits, temps gagné.
Au programme : comment dimensionner l’énergie au plus juste, choisir lumière/vidéo/son frugaux sans sacrifier la scène, généraliser la réutilisation, et piloter le tout avec des données fiables (pas des slogans). L’objectif est double : limiter l’empreinte et sécuriser le ROI (retour sur investissement) opérationnel de l’événement.
Énergie : dimensionner d’abord, produire ensuite
Pourquoi c’est clé : chaque kWh évité, c’est du gasoil, des batteries ou de la puissance réseau en moins, donc des coûts et des risques en moins.
- Bilan de puissance (liste des consommations crête et moyennes, par zone/heure) : je pars de la consommation moyenne (ce qui tourne réellement) plutôt que de la seule puissance crête (le max théorique instantané). On évite ainsi les groupes surdimensionnés.
- Hiérarchie des usages : prioriser sécurité, régie et scènes actives ; basculer les zones publiques non critiques sur LED basse conso et minuteries.
- Production :
- Réseau si possible (stabilité, coût), complété par batteries pour les pointes.
- Groupes électrogènes hybrides (diesel + batterie) : la batterie absorbe les creux/pointes → moins de gasoil, moins de bruit.
- Carburants alternatifs (ex. HVO) à considérer si la logistique suit ; surveiller le surcoût/l’approvisionnement.
- Distribution : câbles courts, sections adaptées, PFC (Power Factor Correction, correction du facteur de puissance) pour éviter les pertes et déclenchements inutiles.
https://www.lezartikal.com/article/panneaux-solaires-pour-maison-le-guide-pour-bien-choisir-france/
Ordre de grandeur (indicatif) : une programmation et un calage fin des plages d’allumage réduisent souvent de 15–30 % la consommation sans toucher à l’artistique. Hypothèse basée sur retours de terrain festivals plein air.
Lumière : la frugalité sans effet “cheap”
Ce que je vise : moins de watts pour autant (ou plus) d’impact visuel.
- LED partout où c’est pertinent : un projecteur LED moderne consomme beaucoup moins qu’un halogène/à décharge pour un flux équivalent.
- Flux utile plutôt que lumens théoriques : orienter, gélatiner/filtrer correctement, limiter les pertes.
- Pilotage : DMX/RDM (protocoles de contrôle/retour d’info) + profils de dimmer optimisés pour éviter les “plein pot” inutiles.
- Placement intelligent : hauteur et angles pour maximiser la lisibilité des artistes et réduire le nombre de sources.
- Maintenance : nettoyage optiques/ventilos = rendement conservé, bruit réduit, panne évitée.
Terme – RDM : “Remote Device Management”, retour d’état des appareils (température, heures, erreurs) directement sur la console.
Vidéo & écrans : grandeur visuelle, sobriété électrique
- Projecteurs laser : meilleure efficacité et durée de vie que lampes.
- LED walls : choisir le pitch (écart entre pixels) adapté à la distance du public ; ne pas sur-spécifier.
- Nits (cd/m²) : ajuster la luminance à l’éclairage ambiant ; limiter les pics.
- Serveurs média : mutualiser, éteindre les lignes non utilisées, encoder les contenus à la bonne définition au lieu de surdimensionner.
Astuce ROI : un pitch “juste ce qu’il faut” + courbes de brightness par plage horaire fait baisser la conso et le coût loc sans altérer la perception.
Son : intelligibilité d’abord
- Ciblage : systèmes directifs pour arroser le public, pas l’horizon ni le voisinage ; on gagne en SPL (Sound Pressure Level, niveau sonore perçu) utile et on réduit le bruit diffus.
- Zonage : découper le site en zones maîtrisées, avec limiteurs fiables et presets jour/nuit.
- Traitement : DSP (processeurs numériques) bien calés → moins besoin de pousser les amplis.
- Veille : couper automatiquement les amplis d’aires inactives.
Structures & matières : penser réemploi dès le plan
- Modularité : plateformes standard, grilles, éléments répétés réutilisables d’une édition à l’autre.
- Matériaux : privilégier aluminium recyclé, bois certifié, textiles réemployables.
- Éco-conception : limiter les pièces uniques ; penser démontage rapide → moins d’heures, moins de casses.
- Consommables : bannir le jetable là où possible (gaines, colliers réutilisables, impressions mutualisées).
Logistique & transport : le “vrai” poste carbone
- Pré-montage virtuel : digital twin (maquette 3D exploitable) pour tester les accrochages, couper les surprises de dernière minute.
- Plan de chargement : optimiser volumes, éviter les “demi-camions”.
- Sourcing local : louer/rappatrier auprès de prestataires proches ; standardiser les références pour faciliter la mutualisation.
Data & pilotage : mesurer ce qu’on pilote
- Compteurs d’énergie par zone (scènes, food, village) + journal horaire.
- Tableau de bord simple : conso, charges, heures de marche groupes, incidents.
- Post-mortem : garder les ratios utiles (W/m² de scène, W/100 spectateurs, kWh/heure d’ouverture). Ce sont ces indicateurs qui guident l’édition suivante.
Terme – kWh : énergie consommée. 1 kW pendant 1 heure = 1 kWh.
Budget & modèles économiques : faire rentrer la sobriété dans l’excel
- Capex vs Opex : parfois louer un kit LED plus performant coûte plus cher à la ligne “matériel”, mais diminue logistique, puissance appelée et gasoil → Opex en baisse.
- Contrats à la performance : fixer des objectifs (plages horaires, puissances max, redondances) et des bonus/malus raisonnables.
- Partenaires & labels : viser des standards de management d’événement (ex. ISO 20121 : système de management responsable) sans transformer l’équipe en usine à paperasse.
https://www.lezartikal.com/article/outils-planification-compagnies-cirque-subventions/
A retenir :
Option / Contexte | Avantage principal | Limites à connaître |
Bilan de puissance “moyenne + crête” | Groupes plus petits, moins de gasoil | Nécessite mesures et discipline planning |
LED partout pertinent | Impact visuel =/↑ pour moins d’énergie | CAPEX/loc parfois plus élevés |
Projecteurs laser / pitch ajusté | Moins de conso, longévité, lisibilité | Prix/jour, besoin d’opérateurs formés |
Son directif + zonage | Intelligibilité, moins de nuisances | Études préalables, presets à maintenir |
Structures modulaires réutilisées | Montage rapide, coûts lissés entre éditions | Créativité à cadrer pour rester standard |
Groupes hybrides + batteries | Bruit, conso et maintenance réduits | Intégration technique/monitoring à prévoir |
Sourcing local & mutualisation | Transport réduit, délais sécurisés | Disponibilité, homogénéité du parc |
Mesure & tableau de bord | Décisions basées sur faits (ROI maîtrisé) | Discipline de saisie, quelques capteurs à acheter |
Comment choisir dans la vraie vie pour un festival de plein air
- Si votre site a un accès réseau stable → priorisez raccordement + batteries pour les pointes ; gardez un groupe secours dimensionné sur les charges vitales.
- Si terrain isolé → groupes hybrides et bilan de puissance serré ; éclairez le public en LED basse conso, cadrez les horaires d’allumage.
- Si scène principale très lumineuse de jour → privilégiez écrans LED au pitch adapté + courbes de brightness ; évitez la sur-luminance inutile.
- Si voisinage sensible → son directif, presets jour/soir, orientation de scène ; moins de “déchets sonores”, meilleure audition.
- Budget contraint → commencez par l’organisation (plages horaires, coupures automatiques, plan de chargement), puis éclairage (gains rapides), puis hybridation énergie.
- Équipe courte → standardisez : mêmes références, kits pré-câblés, fiches-presets ; moins d’erreurs, plus rapide.
Cas particuliers :
- Météo capricieuse : privilégier projecteurs IP65 (étanches) pour éviter surcoûts de protection.
- Patrimoine : limites de fixation/poids → structures légères, focales longues, contraintes d’éclairement au sol.
- Éditions multiples : capitalisez un “kit festival” réemployé à 80 % ; l’innovation se concentre sur 20 % du dispositif.
Maintenant à vous de jouer
Je retiens trois idées simples. D’abord, la scénographie durable est surtout une affaire de dimensionnement et de pilotage, plus que d’achats “verts”. Ensuite, la “sobriété créative” n’est pas une perte : bien placée, une source lumineuse pertinente vaut mieux que dix mal utilisées. Enfin, la mesure (kWh, heures, incidents) transforme l’intuition en ROI, édition après édition. Si l’enjeu financier est important, une étude technique rapide (puissance, distributions, presets) sécurise la décision sans alourdir la production.